dimanche 22 février 2009

Vous avez dit réforme ?


Man Ray, Noire et blanche, 1936

J'écoute une radio un peu naze mais qui a le mérite de passer les chanteurs que j'aime, morts pour la plupart. Si on se bouche les oreilles aux gloussements des animateurs et pendant les "informations", cette station peut être agréable à écouter.
Las, je ne peux contourner le flash "info" du matin. Eux ne peuvent éviter de parler des grèves, mais on sent bien que ça leur fait un peu mal. Pour se soulager un matin, ils diffusèrent une rubrique "astuces" afin d'éviter les vilains manifestants "oui parce que y'en a marre" (sur le ton de "je me suis encore cassé un ongle"). Passons.
Je pense que le présentateur (un journaliste ? je n'ose le croire) possède une seule et même phrase pour présenter chaque mouvement social, qu'il copie-colle au besoin. Etudiants, chercheurs, enseignants, ouvriers, personnel hospitalier, sachez que vous vous battez tous "contre la réforme". Point. Vous voilà bien "informés"...
On en éteindrait son poste en rugissant "mais enfin ils acceptent jamais rien, ils veulent que rien ne bouge ou quoi !" si l'on était doté du quotient intellectuel de miss astuces. Heureusement, je suis équipée d'un petit Robert et je connais mon alphabet. Alors c'est parti :

"Réforme : Amélioration portée dans le domaine moral ou social."

Je pose la question : le projet du gouvernement, pour l'école par exemple, est-il une réforme ?

Voici ce qu'en pense l'enseignant chercheur Philippe Meirieu (extrait de son site) :

"On connaît les principales mesures venues, depuis plus d’un an, mettre à mal l’institution scolaire française : nouveaux programmes de l’école primaire qui, au prétexte de renforcer les « apprentissages fondamentaux », font de l’élève une « machine à exercices » et privent les enfants défavorisés de l’accès à la signification des tâches et de la culture scolaires… disparition programmée des RASED qui pouvaient apporter aux élèves en grande difficulté des aides adaptées… suppression des cours le samedi matin au détriment des équilibres de vie des enfants… mise en place d’évaluations systématiques, sans justification pédagogique, simplement pour fournir des indicateurs à des parents réduits au statut de « clients »… disparition progressive de la carte scolaire avec la promesse aux familles qu’elles pourront choisir l’école de leurs enfants alors qu’en réalité, ce sont les écoles qui choisiront leurs élèves, creusant ainsi les inégalités… suppression des aides aux initiatives artistiques et culturelles alors qu’il faudrait, au contraire, les renforcer pour compenser le crétinisme de la télévision et lutter contre la sidération par les jeux vidéos… disparition de toute véritable formation professionnelle en alternance pour des enseignants condamnés désormais à osciller entre la répression et la dépression… abandon de toute ambition pour les collèges laissés en jachère alors que beaucoup d’entre eux sont au bord de l’explosion… traitement méprisant des mouvements d’Éducation populaire et pédagogiques dont certains sont gravement menacés dans leur rôle d’appui à l’institution scolaire…

Ces mesures nous sont présentées comme des « réformes », mais je me refuse, pour ma part, à les nommer ainsi. D’une part, parce que cela sous-entendrait qu’il s’agit de « transformations nécessaires » et que ceux qui s’y opposent sont des conservateurs. D’autre part, parce que l’idéologie dominante et la rhétorique gouvernementale présentent toujours ces « réformes » comme inévitables : « Il n’y a pas d’autre solution si nous voulons… que nos enfants sachent lire… qu’on ne gaspille pas nos impôts… que nous tenions notre place dans le monde… etc. ». Or, en réalité, il y a toujours d’autres solutions. Et le rôle des politiques, c’est justement de présenter des scénarios en indiquant les chances et les risques qu’ils comportent, de les référer aux finalités envisagées et aux moyens mobilisables. A minima, il incombe aux décideurs d’associer tous les partenaires à l’exploration de ces scénarios et de mettre à contribution les chercheurs pour éclairer les choix… Or, que voyons-nous ? Des décisions unilatérales, précipitées, sans véritable anticipation de leurs conséquences, sans aucune mobilisation de l’intelligence citoyenne."

Et hop*, je rebondis sur cette phrase pour inciter les facebookiens et facebookiennes à rejoindre le groupe de l'excellent monsieur Poireau : "pour rappeler aux élus qu'ils nous représentent et ne nous dirigent pas".


(* copyright Nicolas)

5 commentaires:

  1. Tiens j'ai écrit un texte syndical "parlez vous le RGPP ?" (RGPP = réforme générale des politiques publiques) dans lequel j'explique "le champ lexical" employé pour ... nous enfumer et nous faire croire que l'on n'est pas capable de comprendre.
    En n'expliquant pas les réformes, les journalistes font croire au public d'une part que les revendications sont vraiment complexes et que quasi on discute de l'épaisseur du PQ, d'autre part, qu'on ne veut jamais rien.

    Ainsi, en ce qui concerne la RGPP, qui n'est finalement qu'un vaste plan social, cad un plan de "restructuration", cad de dégraissage, où il s'agit simplement de supprimer un poste sur deux dans les départs à la retraite (presque la moitié des effectifs des administrations sont constitués de postulants à la retraite dans les 10 prochaines années).
    Notre ministère (le travail) crie sous tous les toits "on ne peut pas émietter le territoire, c'est évidemment contraire à l'intérêt public", tous ça pour dire : on ne créera plus de sections d'inspection du travail y compris là où il y en a besoin (plus de 30 voire 35 000 salariés à contrôler pour la section, qui a 3 agents de contrôle).

    Bon tout ça pour dire, que quand je lis ce qui se passe pour l'Education, je trouve ça déprimant, car là, on touche au capital : la relève.

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  2. Ils s'y connaissent en intérêt public, ça fait peur...

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  3. Les journalistes qui les premiers devraient défendre une pluralité d'opinions ne font plus leur boulot. Cela fait bien longtemps que toutes les grèves sont traitées suivant ce même cannevas du blocage et des problèmes engendrés pour les ceusses qui se lèvent aux aurores pour trimer. Plus d'explication des revendication, plus de temps de parole pour explorer d'autres pistes de réformes…
    Lamentable !
    :-)

    [Ah oui, j'ai ce groupe aussi !! :-) ].

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  4. Monsieur Poireau,
    Je ne peux qu'acquiescer vigoureusement, à m'en échauffer la nuque...
    N'oublie pas CE groupe, c'est le plus beau de tous mes groupes :D
    Nicolas,
    Ta générosité te perdra :D

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