samedi 18 juillet 2009

Le tout dernier slogan d'EDF : "Vous nous devez plus pour la lumière."

Prométhée enchaîné, v. 550 av. JC

Vous l'avez sans doute constaté en payant vos factures EDF : l'électricité en France n'est pas assez chère. Mais si : nous payons moins que partout ailleurs en Europe (si l'on excepte la Finlande). La honte...

Heureusement, le gouvernement nous concocte une hausse des tarifs afin que nous gardions la tête haute. Cela dit, nous, consommateurs mesquins, pourrions bien être capables de trouver cela déplacé. En effet, quand on est un minimum au jus de la règlementation en vigueur jusqu'en 2010, on sait que les tarifs EDF sont fixés par un contrat de service public avec l'Etat, qui stipule qu'une augmentation éventuelle ne peut excéder l'inflation. Avec la crise, une augmentation significative pourrait de surcroît se révéler particulièrement impopulaire. Alors, comment nous faire raquer avec le sourire ?

Méthode préconisée :

1- A l'aide des journaux à la botte du gouvernement, donner une tribune médiatique au PDG d'EDF, monsieur Gadonneix. Ce dernier, comme à son habitude, pourra y épancher son mal-être d'entrepreneur en proie à des difficultés financières. Sitôt fait, sitôt dit : Gadonneix claironne partout qu'il faut opérer une augmentation du prix de l'électricité de 20% dans les trois prochaines années.

Normal : Gadonneix est un expert en augmentation. Celle qu'il a exercée sur son propre salaire l'atteste : 127% en quatre ans pour arriver à un salaire brut annuel de 1 221 000 euros en 2008, c'est une sacrée preuve. Si cela ne vous convainc pas, je ne sais pas ce qu'il vous faut.

2- Dans les mêmes canards d'Etat, se scandaliser avant que le peuple ait le temps de réagir. Nos élus s'offusquent du chiffre avancé par Gadonneix. "Oh ! 20% ! Comme vous y allez ! Il n'en est pas question ! Les temps sont durs pour nos concitoyens, etc."

3- Mettre en avant les difficultés d'EDF. Quand même, si on vous le demande, c'est que ça se justifie. Sinon, vous pensez bien que jamais on ne taperait dans votre porte-monnaie. Déclarer qu'une hausse sera donc à l'étude, mais peut-être pas aussi forte que celle demandée par le PDG. (Ah, ouf ! 19% en trois ans au lieu de 20 ?)

A ce stade, vous vous dites peut-être que vous auriez dû éteindre plus souvent vos radiateurs cet hiver, même s'il faisait moins 10. Erreur : la consommation des ménages n'a pas flambé d'un coup et quand bien même, c'eut été au bénéfice d'EDF. Nous n'avons rien à nous reprocher. Alors d'où viennent ces difficultés que nous aurons à payer de notre poche ?

C'est très simple : ces dernières années, EDF a beaucoup investi en rachetant des boîtes à l'étranger. Et maintenant, les caisses sont vides. Oh, bien sûr, cela est temporaire puisqu'il s'agit d'investissements. Mais justement, n'est-ce pas le moment idéal pour faire pleurer dans les chaumières sombres et réclamer une hausse des tarifs ?

Oui, vous avez bien lu : vous payerez dorénavant l'électricité, non comme un service, mais comme une contribution aux dettes contractées par EDF dans sa boulimie expansionniste. Les joies de la privatisation. Christine Lagarde trouve ça bien.

4- En cas de protestations, agiter un argument-épouvante. On pourra toujours vous rétorquer que la rénovation des centrales a un coût. Vous ne voudriez pas d'un accident nucléaire dû à votre avarice déplacée, quand même ? Bon.

Epilogue : EDF, en déficit provisoire dû à ses récents investissements à l'étranger, va gagner gros dans les années à venir, y compris grâce aux rénovations des centrales existantes, comme le souligne le Canard enchaîné*. Chic alors ! Gadonneix en profitera-il :

a) pour nous faire bénéficier de cette manne en baissant le prix de l'électricité ?
b) pour racheter d'autres boîtes à l'étranger et augmenter encore son salaire ?
Les paris sont ouverts.




*Canard enchaîné du 15 juillet, dans l'article Le raid du patron d'EDF sur la rente nucléaire : "Ainsi, il est en passe de bénéficier d'un joli pactole : la prolongation de trente à soixante ans de la durée de vie de ses centrales, moyennant une simple mise à niveau de celles existantes (400 millions par réacteur). Selon une étude de Natixis, l'économie, pour EDF, serait de 1,2 milliard par centrale. Et il y en a 19 ! Pas mal pour un miséreux..."
J'ajoute que Bruxelles est en passe d'exiger d'EDF qu'il cesse d'appliquer des tarifs préférentiels pour les grandes entreprises françaises, qui devront désormais payer leur électricité plus cher. Encore un peu de beurre dans les épinards de Gadonneix...

mardi 7 juillet 2009

Au Honduras, on n'a pas de pétrole...

Courbet, L'homme blessé, 1844

... mais on avait des idées, avant ce qui vient de s'y produire. Ne me dites pas que vous n'êtes pas au courant, ça s'est vu partout dans la presse, comme le nez au milieu de la figure de Michaël Jackson. Ah non, tiens.

Pourquoi diable soupçonner nos formidables médias de faire l'impasse sur l'événement ?

Le Honduras, il faut bien le dire, on s'en fout : on n'a pas d'échanges commerciaux avec eux, ils sont trop pauvres, y'a même pas de pétrole. Si au moins leur président était présentable ! Las, on murmure qu'il était plus de gauche que prévu. Et puis c'est vrai qu'il s'y passe trois fois rien, au Honduras.

Qu'est-ce qui se passe ?

Des militaires sont entrés chez le président élu par le peuple, Manuel Zelaya, pour le mettre dehors. Hop ! Fini, la démocratie.

Comment le président du Honduras avait-il déclenché l'ire des réactionnaires ? On murmure que l'imprudent avait signé un traité commercial avec des pays de gauche comme le Venezuela, reléguant au second plan l'accord de libre-échange suggéré par les États-Unis PARDON JE VEUX DIRE EUH euh la version officielle c'est que ce président avait bien sûr tout d'un dictateur en herbe. La preuve : il voulait modifier la constitution pour avoir le droit de se représenter aux élections. Figurez-vous un pays où le président aurait le droit de se représenter aux élections, non mais franchement.

M'enfin, il suffit de demander à un pays très puissant militairement et défenseur des libertés fondamentales des peuples et de la démocratie de déblayer tout ça et de remettre le président en place, non ?

Lorsque Hugo Chavez demande à Washington de se prononcer clairement contre ce coup d'État sous peine d'être soupçonné de soutenir la dictature militaire qui vient de s'y installer, on tend l'oreille vers les États-Unis et... Vous entendez quelque chose, vous ?

Allez, en cherchant bien, vous lirez quand même que la communauté internationale rejette unanimement ce coup d'État. On ne rigole pas avec la démocratie, attention : on rejette ! On n'est pas du tout contents !

C'est dit. Ouf. (Alors, au fait, toujours mort, Michaël Jackson ?)

Zelaya est tellement internationalement soutenu qu'il n'arrive pas à retourner dans son pays, les militaires ayant bloqué l'accès à l'aéroport où il avait tenté d'atterrir après son passage à Washington.

Est-ce que ça pourrait se passer chez nous ?

Imaginez, dans un monde enchanté, notre président se réveillant un matin et annonçant que nous allons sortir du traité de Lisbonne pour fonder une Europe démocratique et renoncer au marché transatlantique parce qu'il menace notre environnement, nos services publics, notre santé et notre qualité de vie en général. A la place, on créerait une forme d'échange commercial profitant au peuple et non à quelques dirigeants de grands groupes déjà ultra-riches, un truc un peu alternatif avec même du troc dedans en fonction des ressources de chaque pays.

Comment ça, vous n'imaginez pas ? Bon d'accord, je rectifie.

Imaginez qu'en 2012 vous ayez élu un président qui annoncerait tout ça.

Sitôt dit, le président se ferait sauvagement ligoter par des militaires et expédié dans un autre pays. Au nom de la démocratie, il demanderait le soutien ferme des États-Unis ; le président américain lui répondrait "Oui ! C'est très mal, ce qu'ils t'ont fait." et s'en irait vaquer.
Alors vous, bon. Vous participeriez à une manif pour qu'on vous rende celui que vous avez élu.
Pas de chance : les militaires vous tirent dessus. Vous êtes mort ou terrorisé.

Voilà ce qui se passe au Honduras. Trois fois rien, on vous dit.